Ce qui devrait compter, c’est le portrait final, pas le trajet parcouru
Quelques résultats préliminaires de notre recherche sur les PAN - du côté des étudiants et étudiantes.
Photo de Faris Mohammed sur Unsplash
Les profs qui décident d’implanter des pratiques alternatives de notation (PAN) le font pour toutes sortes de raisons : pour soutenir les apprentissages, pour encourager la motivation intrinsèque, pour diminuer le stress face aux évaluations, etc. Je vous parlerai aujourd’hui d’une autre raison, qui porte sur la fidélité de la note finale.
Une note est fidèle lorsqu’elle témoigne avec justesse des acquis. Les pratiques habituelles de notation peuvent engendrer un problème de fidélité, parce que la note finale peut être lourdement teintée du parcours d’apprentissage des personnes étudiantes au fil de la session. En effet, dans un système habituel d’évaluation, lorsqu’une personne prend un peu plus de temps pour maîtriser les contenus, elle court le risque d’obtenir une note faible à une évaluation en début de session. Comme les notes sont additionnées pour composer la note finale, cette mauvaise note en cours de session se fait ressentir dans la note finale, et ce peu importe si les apprentissages ont finalement été réalisés avant le terme de la session. Les erreurs sont toutes comptabilisées et la note finale est pénalisée pour chacune de ces erreurs.
Depuis que j’utilise les pratiques alternatives de notation, les erreurs en cours de session, si elles sont corrigées et que les apprentissages sont réalisés, ne sont plus tenues en compte dans la note finale. C’est pourquoi cette note finale témoigne avec plus de fidélité des acquis de mes étudiantes et de mes étudiants. Autrement dit, deux personnes qui ont réalisé les mêmes apprentissages et qui ont développé les mêmes habiletés auront la même note finale, peu importe la vitesse à laquelle ces apprentissages ont eu lieu.
Le graphique suivant est tiré de nos données de recherche et concerne un cours de première session dans le programme préuniversitaire de sciences de la nature donné en PAN. Il montre la progression du nombre d’objectifs atteints dans le cours, au fil des semaines de la session, pour trois personnes étudiantes. Ce que ces personnes ont en commun, c’est leur note finale : elles ont toutes obtenu la note de passage de 60 % (ce qui correspondait, dans ce système, à l’atteinte de 8 objectifs). Ce qui est toutefois très différent, ce sont les parcours de ces trois personnes.
Figure 1 Différents parcours, mêmes apprentissages
Si la personne 1 a progressé de façon plutôt continue au fil de la session, les personnes 2 et 3 ont manifestement éprouvé des difficultés de parcours.
La personne 2 semble avoir éprouvé de la difficulté à s’adapter au rythme collégial : elle n’a réussi à démontrer la maîtrise des objectifs du cours qu’à partir de la semaine 8. Les premières semaines ont été très difficiles, mais cette personne n’a pas abandonné. C’était manifestement la bonne décision : grâce aux occasions de démontrer à nouveau que ses apprentissages avaient progressé, cette personne a pu prendre un peu plus de temps que ses collègues pour comprendre, mais tout de même réussir le cours. Le système de PAN déployé dans sa classe le permettait : sa note finale n’est composée que de ce qu’elle savait et était capable de réaliser au terme de la session.
La personne 3 a quant à elle rencontré des difficultés en milieu de session. Peut-être s’agissait-il de difficultés personnelles, qui n’avaient rien à voir avec l’école, mais qui rendaient plus difficile sa concentration ou son temps d’étude. Cette personne aussi a persévéré dans le cours, et cela s’est avéré judicieux pour elle aussi.
Dans un cours avec des pratiques habituelles de notation, les personnes 2 et 3 n’auraient peut-être pas réussi le cours. Leurs embûches en début ou milieu de session auraient peut-être entraîné une perte de points qu’il n’aurait pas été possible de rattraper plus tard en session. Mais peut-être, aussi, qu’elles auraient perdu espoir dans leurs chances de réussite; peut-être qu’elles se seraient dit « ce cours n’est pas pour moi »; peut-être qu’elles auraient abandonné. On sait que la persévérance scolaire s’accroche souvent à fil fragile. Lorsqu’un mauvais résultat à une évaluation est une sanction sur laquelle on n’a plus de pouvoir, ce peut être suffisant pour que le fil se casse.
Mais avec des PAN, le système de notation déployé dans le cours permet à tout le monde, peu importe la raison, de profiter des occasions de démontrer plus tard les apprentissages évalués une première fois dans les premières semaines, et cela sans pénalité sur la note finale. Dans le cas des personnes présentées ici, cela a certainement contribué à leur donner l’espoir de réussir et le sentiment de contrôle sur cette réussite. Et a peut-être contribué, tout compte fait, à leur réussite.